Le Génotypage
J'ai été surpris par le manque d'information en français disponible sur le génotypage. Le parti pris va être d'éviter au maximum le vocabulaire « savant ». Même si c'est traité dans les lycées, le distingo génotype/phénotype sera évité. Il ne s'agit pas de se martyriser les méninges mais de comprendre la révolution en marche et ce que cela va changer. On utilise les tests génétiques déjà discutés et SNP signifie toujours « Single Nucleotide Polymorphism » .
La détermination d'une infection par un virus de type papillome demande l'analyse d'un frottis mais il va devenir possible et même préférable de faire une analyse ADN et de rechercher l'ADN de tous les virus connus. C'est en train de se mettre en place et c'est un progrès. Le résultat est non ambigu car le test ADN est très sensible et spécifique. On connaît au moins 200 génotypes du VPH (Virus du Papillome Humain), virus impliqué dans le cancer du col de l'uterus (entre autres).
De la même façon la recherche d'une contamination de type Légionellose (par exemple) va pouvoir se faire en recherchant l'ADN de la bactérie. Ces souches sont difficiles à cultiver et les cultures ne donnent des résultats qu'au bout d'un temps bien plus long qu'une analyse ADN. Le « suspens » sur la présence ou non de toxiques dans les huîtres (un classique) sera de courte durée .
Ce progrès touche aussi (bien sûr) l'ADN humain, c'est à dire la capacité à déterminer un caractère par un test ADN. Un exemple lié au virus du Sida. On s'est aperçu qu'une fraction de la population européenne (environ 5%) est porteur d'une délétion (segment d'ADN manquant) CCR5del32 et les porteurs sont protégés de l'infection par le virus du SIDA. Plusieurs compagnies proposent le test. En analysant l'ADN d'une personne on sait de mieux en mieux décrypter les informations, même si on en est encore aux premiers balbutiements.
Génotypage ABO :
Les gènes qui déterminent le groupe sanguin ABO , sont portés par le chromosome 9 et 23andME teste les 14 SNPs qui suivent (avec mes propres résultats) :
i4000505 ........ GG
rs8176749 ...... CC
i4000504 ...... ..CC
rs8176747 ...... CC
rs41302905 .... CC
rs8176746 ...... GG
rs8176745 ...... AG
rs8176743 ...... CC
rs8176740 ...... AT
rs7853989 ...... GG
rs1053878 ...... GG
rs2073824 ...... AG
rs8176719 ...... DD
rs512770 ........ AG
Rappel sur la lecture des données qui précèdent. Dans SNP il y a polymorphisme et il n'est donc pas surprenant que pour certains SNP comme rs512770 (le dernier de la liste) mon père et ma mère ne m'aient pas transmis le même allèle ; dans la paire de chromosome 9 j'en ai 1 avec rs512770 =A et l'autre avec rs512770 = G .
D signifie « Délétion » et I « Insertion ». C'est la délétion rs8176719=DD qui détermine le groupe O . Je suis donc du groupe O (confirmation d'un résultat que je connaissais déjà). Un allèle I (pour Insertion) comme rs8176719=ID ou rs8176719=I I , détermine un groupe A ou B selon le schéma qui suit . On remarque qu'on peut ainsi connaître son groupe sanguin plus précisément que A ou B et par exemple la lecture des résultats fait apparaître que j'ai 2 allèles O différents.
Dans ce qui suit les SNPs présentés ci-dessus sont alignés de gauche à droite ; le tiret pour le SNP rs8176745 indique que le résultat n'est pas pris en compte (par simplification). Donc, dans le cas où rs8176719=DD, c'est un groupe O, et dans tous les autres c'est soit A soit B , soit AB. Dans ces cas là on remarque que rs8176746 =G est un allèle A , et rs8176746 =T un allèle B.
Allèles A :
A101: G C C C C G – C A G G ? I G
A102: G C C C C G – C A G A ? I ?
A113: G C C C C G – C A C G ? I ?
A204: G C C C C G – T A C G ? I ?
A202: A C C C C G – C A G G ? I ?
A301: G C T C C G – C A G G ? I ?
Ax01: G C C C C G – C T G G ? I ?
Ael02: G C C C C G – C T G A ? I ?
Allèles B :
B101: G T C G C T – T A C G ? I G
B102: G C C G C T – T A C G ? I ?
B107: G T C G C T – T A G G ? I ?
B301: A T C G C T – T A C G ? I ?
B302: G T C G C T – T T C G ? I ?
Bx01: G T T G C T – T A C G ? I ?
Allèles O :
O101: G C C C C G – C A G G ? D G
O109: G C C C C G – C A G A ? D ?
O112: G C C C C G – C T G G ? D ?
O204: A C C C C G – C T G G ? D A
O207: G T C G C T – T A C G ? D A
O303: G C C C T G – C A C G ? I A
Il en découle que je suis O101 / O112 . Je savais déjà que j'étais du groupe O et ce n'était pour moi qu'une confirmation mais il est facile de voir que le génotypage, donne un résultat plus précis que seulement A, B , AB ou O.
Une analyse du même type est possible pour les groupes sanguins « non ABO » . Ces résultats sont faciles à collecter en même temps que les résultats ABO. On aboutit donc à la situation où l'analyse ADN permet de connaître en 1 étape rapide et fiable tous les groupes sanguins , il y en a une bonne trentaine dont beaucoup dont vous n'avez jamais entendu parler.
J'ai parlé de SNPs sans revenir explicitement à la méthodologie. Dans les typages qui précèdent on ne séquence PAS l'ADN de la personne même de façon partielle. C'est une puce ADN qui permet l'identification des allèles ; ces puces ADN sont bien adaptées à la détermination entre 2 allèles.
D'autres cas :
Le récepteur CCR5 est une protéine transmembranaire utilisée par le virus HIV (SIDA) lors de son cycle infectieux. On s'est aperçu qu'une fraction de la population européenne n'a plus de récepteur fonctionnel à cause d'une délétion dite « delta32 ». Les personnes porteuses de cette délétion sur les 2 chromosomes ne sont pas infectés par le virus HIV. C'est un caractère des européens du nord . On s'interroge sur la présence à un fort niveau d'une mutation inactivant CCR5 alors que le virus HIV n'existait pas préalablement.
Sensibilité aux dérivés coumaridiniques :
La coumaridine a longtemps été utilisée comme « mort-au-rat » à cause des hémorragies intestinales mortelles que ce produit provoquait. Il n'est peut être pas inutile de rappeler que les anti-coagulants comme la Coumadine / Warfarine très utilisés pour les personnes chez qui on craint la formation de caillots sanguins (cardiaques...) doivent être utilisés à des doses précises. Chez certaines personnes la dégradation du médicament est plus lente ce qui influe sur les dosages et on connaît des variants avec une sensibilité accrue aux coumaridiniques. La connaissances de la génétique va permettre un meilleur calibrage et éviter des tâtonnements pour trouver le bon dosage.
Le gène CYP2C9 est responsable de la vitesse de dégradation des coumaridiniques et on connaît 2 SNPs :
rs1799853=C ou T ; si T ou TT il y a ralentissement de la dégradation du médicament
rs1057910=A ou C ; si C ou CC il y a ralentissement de la dégradation du médicament
j'ai rs1799853=CC et rs1057910=AA , j'aurais donc (si je prenais de la Coumadine) une vitesse de disparition plutôt rapide.
Le gène VKORC1 est impliqué dans la production de Vitamine K, or la vitamine K est l'élément déterminant dans la formation d'un caillot sanguin. rs9923231=TT est une mutation induisant un taux réduit de production de vitamine K . J'ai ce caractère (et donc il me faudrait des doses faibles de Coumadine) et je dois dire que je ne m'étais jamais rendu compte que mon sang coulait plus que pour d'autres en cas de blessure. Il faut dire que l'alimentation peut apporter la vitamine K (légumes à feuilles vertes , etc...) et compenser.
La tolérance au lactose chez l'adulte :
Le lait contient un sucre, le lactose qui doit être scindé en glucose et galactose par l'enzyme lactase pour être digeste. Chez l'humain la lactase est présente chez le nouveau né puis elle disparaît. Cette situation, dite ancestrale, s'est modifiée avec l'apparition de l'élevage. Chez les européens une seule mutation est trouvée qui permet la persistance de la lactase à l'âge adulte : rs4988235=T (au lieu de C) . Un seul allèle T suffit : rs4988235=CT ou rs4988235=TT permettent de boire du lait à l'âge adulte sans être incommodé. D'un point de vue historique, comme on trouve d'autres mutations chez les peuples non européens c'est considéré comme un argument fort pour dire que cette mutation ne s'est produite qu'une seule fois et s'est répandue dans toute l'Europe (80% des européens porteurs).
Certaines personnes ont la surprise de se découvrir « intolérants au lactose ». J'ai donné cet exemple parce qu'il reflète un domaine encore immature mais en progression rapide qui est la compréhension de notre équipement génétique « dans la vie de tous les jours ».
Une compagnie comme 23andME utilise la puce ADN Illumina qui lui permet de tester 580 000 SNPs par analyse. En fait, pour l'instant seule une petite fraction de ces 580 000 résultats bruts est interprétable. Le génotypage va s'imposer au fur et à mesure et il est dommage que les possibilités de la génétique fassent peur en France.